27 mars 2013

Un interminable pensum.


Cloud Atlas, de Tom Tykwer, Lana et Andy Wachowski (2013).

            Difficile, à l’instant d’aborder Cloud Atlas, le film, de ne pas évoquer, ne serait-ce qu’en quelques lignes, « Cloud Atlas », le roman de David Mitchell[1]  --  œuvre que l’on pouvait à bon droit (et l’auteur lui-même le tout premier) juger inadaptable au cinéma. Ce pavé de plus de six cents pages se compose de six histoires échelonnées dans le temps entre le milieu du XIXème siècle et un lointain avenir post-apocalyptique et organisées selon un schéma que l’on pourrait qualifier de pyramidal (A-B-C-D-E-F-E-D-C-B-A), la partie post-apocalyptique (F) formant le sommet de la pyramide en même temps que le pivot du récit et donc étant la seule à ne pas être coupée en deux. Chaque histoire est en apparence indépendante des autres, reliées seulement par des correspondances qui finissent par former une trame souterraine en forme de philosophie mystico-simplette du genre : nous, les humains, formons une chaîne ininterrompue dans le temps et l’espace, chacun trouvant sans cesse une réincarnation plus ou moins achevée. Tout cela écrit et composé de façon brillante et représentant une sorte de tour de force littéraire où chaque récit bénéficie d’un ton et d’un style différent. Un tour de force trahissant certes une plume habile mais qui, à l’arrivée, laisse le lecteur sur sa faim : tout ça pour ça et à quoi bon tant de talent (et de pages) pour un fond aussi creux ?

20 mars 2013

Un cinéaste dans l'impasse.


A la merveille (To the Wonder), de Terrence Malick (2012).

Cinéaste rare et précieux (six films seulement en quarante ans), Terrence Malick semble avec l’âge (il est né en 1943) vouloir accélérer son rythme de production (son précédent film, The Tree of Life, ne date que de 2011) tout en radicalisant son cinéma, le situant désormais à la limite du poème visuel et de la quête expérimentale. On en arrive ainsi avec son dernier opus, To the Wonder, à devoir aborder son art en renonçant aux habituels critères tout en s’interrogeant sur la pertinence de son évolution : acmé prodigieuse ou impasse provisoire, voire définitive ?

17 mars 2013

Un film modeste mais réussi.


Au bout du conte, d’Agnès Jaoui (2012).

            Tant au cinéma (comme scénaristes d’abord, notamment pour Alain Resnais) qu’au théâtre (« Cuisine et dépendance » date de 1991), le tandem Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri s’attache à des histoires unanimistes où les personnages vont, viennent, se croisent, s’assemblent ou au contraire se séparent, saisissant au passage ce que l’on pourrait appeler, faute d’un meilleur mot, l’air du temps  --  ce que faisait, mais dans un registre bien différent, le Sautet première manière, celui des Choses de la vie (1970) ou de Vincent, François, Paul et les autres (1974). Ils témoignent d’une qualité très régulière dans l’écriture des dialogues (héritage sans doute de leur expérience théâtrale) mais beaucoup plus fluctuante dans les développements de leurs scénarios : d’où, à l’arrivée, des films plus (Le Goût des autres, 2000) ou moins (Comme une image, 2004, et Parlez-moi de la pluie, 2008) convaincants et qui, en dépit d’une petite musique assez personnelle, ont parfois du mal à trouver leur unité et leur cohérence. Au bout du conte, leur dernier opus, comptera, si j’ose dire, au nombre de leurs réussites.

12 mars 2013

Une jolie redécouverte.


Réédition de Propriété interdite (This Property is Condemned), de Sydney Pollack (1966).

            Ce n’est pas là le coup d’essai de Sydney Pollack, cinéaste aujourd’hui un peu négligé (le meilleur de son œuvre remonte aux années 70), mais son deuxième réalisé juste après The Slender Thread (Trente minutes de sursis, 1965) où l’influence de sa formation télévisuelle se faisait encore beaucoup sentir. Comédien à l’origine, il appartient à la génération qui suit celle des cinéastes apparus dans les années 40 et au tout début des années 50 (de Wilder à Mankiewicz en passant par Aldrich, Brooks, Daves, Edwards, Huston, Kazan, Preminger et quelques autres qu’on me pardonnera de ne pas nommer). Une génération en partie formée à l’école de la télévision, à l’aube des années 60, et dont la production s’est épanouie sur une quinzaine d’années, entre 1965 et 1980, avant que l’arrivée d’une génération plus jeune et aux dents plus longues (les Spielberg, Lucas, Coppola, Scorsese, De Palma) ne les mette sur la touche de façon plus ou moins définitive  --  mais peut-être eux-mêmes n’avaient-ils plus grand-chose à dire. Quelques noms et quelques titres (sans prétendre à l’exhaustivité) : John Frankenheimer, Robert Mulligan, Arthur Penn, George Roy Hill, Alan J. Pakula, Franklin J. Schaffner, Robert Altman pour les noms ; et pour les titres : Sept jours en mai (Seven Days in May, 1964) et Le Pays de la violence (I Walk the Line, 1970) de Frankenheimer, Une Eté 42 (Summer of ’42, 1971), L’Autre (The Other, 1972) et The Nickel Ride (1974) de Mulligan, Bonnie and Clyde (1967) et Little Big Man (1970) de Penn, Butch Cassidy et le Kid (Butch Cassidy and the Sundance Kid, 1969) et L’Arnaque (The Sting, 1974) de Hill, Klute (1971) et Les Hommes du Président (All the President’s Men, 1976) de Pakula, La Planète des singes (Planet of the Apes, 1968) et Patton (1970) de Schaffner, M*A*S*H (1970) et Nashville (1975) de Altman  --  noms et titres qui n’ont ici qu’une valeur purement indicative, en tant que repères, une étude détaillée des cinéastes de cette génération (qui ne semble plus intéresser grand monde, à l’exception peut-être de Altman, et encore) restant à écrire.

6 mars 2013

Hawks tel qu'en lui-même.


Réédition d’El Dorado, de Howard Hawks (1967).

            Avant-dernier film d’Howard Hawks, réalisé alors qu’il venait d’avoir soixante-dix ans, El Dorado, que l’on peut revoir ces jours-ci au Studio Action Christine, compose avec Rio Bravo (1959) et Rio Lobo (qui sera son dernier film en 1970) une sorte de trilogie westernienne autour de figures de shérifs et de hors-la-loi, plus proche en cela de la morale que de l’épopée[1]. La présence de John Wayne dans les trois films lui permettait au surplus d’aborder à sa façon (éloignée aussi bien du Ford de L’Homme qui tua Liberty Valance/The Man who Shot Liberty Valance, 1962, que du Peckinpah de Coups de feu dans la sierra/Ride the High Country, 1961) le thème du vieillissement du héros de l’Ouest tandis que sa collaboration avec la scénariste Leigh Brackett pour quatre de ses derniers films (Hatari !, 1962, en plus des trois westerns) lui permet de renouveler de façon approfondie ses personnages féminins.

4 mars 2013

Sous les auspices d'Hitchcock et de Le Carré.


Möbius, d’Eric Rochant (2012).

            Ex-espoir déçu du cinéma français qui débuta sur les chapeaux de roue avec Un Monde sans pitié (1989), film générationnel qui connut une grande fortune publique et critique et, d’une certaine façon, lui coupa les ailes à l’aube de sa carrière (ce genre de mésaventure accompagne parfois un succès précoce), Eric Rochant n’a depuis lors cessé de tâtonner en quête d’un hypothétique second souffle, finalement jamais trouvé. Il s’est reconverti depuis peu dans le polar nerveux à la télévision (la série Mafiosa), ce qui lui a peut-être donné l’idée de revenir au monde glauque de l’espionnage, précédemment exploré avec Les Patriotes (1994). Cette fois-ci, il mêle l’actualité la plus immédiate (les opérations financières douteuses capables à elles seules de ruiner une banque, voire un pays) aux éternelles luttes souterraines qui opposent les services de renseignements dans un combat où tous les coups sont permis  --  et surtout les plus tordus.

2 mars 2013

Trivial week-end.


Week-end royal (Hyde Park on Hudson), de Roger Michell (2012).

            La mode semble bien être ces temps-ci dans le cinéma anglo-saxon aux biopics, ces biographies filmées plus ou moins romancées consacrées à de célèbres personnalités  --  et donc susceptibles, pense-t-on, d’attirer un maximum de spectateurs dans les salles obscures. A ce petit jeu, des vedettes hollywoodiennes (devant ou derrière la caméra : de Marilyn à Hitchcock ) évoluent au coude à coude avec des présidents américains  --  Lincoln voici peu, Roosevelt aujourd’hui. Mais sans que pour autant le résultat (le Lincoln de Spielberg mis à part) soit à la hauteur des enjeux.