25 avril 2013

"Vingt-quatre heures de la vie d'une femme".


Le Temps de l’aventure, de Jérôme Bonnell (2013).

            On pouvait craindre (et la bande annonce allait hélas dans ce sens) avec le dernier film de Jérôme Bonnell sinon le pire (le cinéaste a jusqu’ici fait preuve d’une tenue de bon aloi) du moins le récit très convenu d’une de ces  « brèves rencontres » impossible entre deux êtres que tout sépare, l’âge, l’éducation, l’origine géographique, les activités professionnelles, et qui pourtant vont vivre une rapide mais fulgurante passion amoureuse. Certes, Le Temps de l’aventure, c’est aussi cela, mais pas seulement, très loin de là, et Jérôme Bonnell s’attache tout autant, sinon plus, à l’analyse de la psychologie de ses personnages qu’aux seuls sentiments, pourtant très forts, qui les rapprochent. Il y a là quelque chose d’un Stefan Zweig, auteur dont on parle beaucoup ces temps-ci, explorateur exemplaire des angoisses de la psyché humaine confrontée à la confusion des sentiments. Ainsi, mutatis mutandis,  se trouve-t-on davantage du côté de « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme », la nouvelle de Zweig, que de Brève rencontre, le film de Lean.

20 avril 2013

Les derniers feux de la comédie musicale.


Réédition de Funny Face (Drôle de frimousse), de Stanley Donen (1957).

            Vu pour la dernière fois il y a plus de trente ans, à une époque où je m’intéressais de très près au travail de l’immense Fred Astaire, je gardais de Funny Face le souvenir d’un spectacle trop soigneusement élaboré pour être honnête, carrément plombé par de redoutables afféteries esthétisantes (le numéro « He Loves and She Loves » notamment, avec son herbe trop verte et ses trop blanches colombes) et d’où toute spontanéité paraissait absente, tant (me semblait-il alors) Donen mettait d’ostentation à se chercher des alibis culturels et intellectuels (ainsi de l’apport comme conseiller visuel du très sophistiqué photographe Richard Avedon) pour bien faire comprendre que lui, cinéaste intelligent et sérieux, ne se laissait pas prendre aux naïvetés d’un genre qu’il jugeait mineur et, pour tout dire, indigne de son talent.

15 avril 2013

Comédies "à l'anglaise"?


Quartet, de Dustin Hoffman (2012).
Mariage à l’anglaise (I Give it a Year), de Dan Mazer (2013).

            Difficile de donner aujourd’hui une définition de ce que l’on pourrait appeler une comédie « à l’anglaise », pour utiliser une expression plus proche de l’art culinaire que du cinéma, sinon dans une perspective purement historique avec un genre qui fit florès dans les années d’après-guerre avec quelques films à la « construction parfaite qui s’organise à partir d’une situation de départ absurde poussée dans ses prolongements les plus logiques »[1] et mêlant cocasserie, sérieux imperturbable, goût pour un décorum britishissime et humour plutôt tongue in cheek que franchement burlesque. Rappelons au passage quelques titres mémorables, disponibles pour la plupart en DVD, et qui fonctionnent encore admirablement : Passeport pour Pimlico (Passport to Pimlico, Henry Cornelius, 1949), le bien connu Noblesse oblige (Kind Hearts and Coronets, Robert Hamer, 1949) ou encore les très belles réussites d’Alexander Mackendrick, un bon cinéaste injustement oublié[2] : Whisky à gog (Whisky Galore, 1948), L’Homme au complet blanc (The Man in the White Suit, 1951) et Tueurs de dames (The Ladykillers, 1955[3]). Mais peut-on dire pour autant, après toutes les vicissitudes vécues par le cinéma d’outre-Manche, que la comédie « à l’anglaise » (il vaudrait mieux parler de « comédie britannique » d’ailleurs) existe encore de nos jours ? Oui, dans la mesure où de nombreuses productions (et Quartet en fait partie) jouent sur le charme légèrement suranné d’une british touch en grande partie nostalgique ; non, parce qu’elle tend depuis longtemps à se fondre dans un mélange de comédie de mœurs et de comédie romantique  --  c’est le cas de Mariage à l’anglaise.

10 avril 2013

Des vertus de l'humilité.


Effets secondaires (Side Effects), de Steven Soderbergh (2013).

            Steven Soderbergh, qui tourne beaucoup et à un rythme soutenu, n’est finalement jamais meilleur que lorsqu’il se consacre à de « petits » sujets (mais qui peuvent être de « grosses » productions : voir ainsi Ocean’s Eleven, 2001)  --  je veux dire par là des sujets relevant de ce cinéma de genre qui a fondé le grand cinéma américain classique plutôt , par exemple, que de la fresque historique à la façon de son interminable et catastrophique biographie de Guevara (Che, 2008). Ainsi, assez proche du récent Haywire (Piégée, 2011), Side Effects convainc bien davantage que le non  moins récent Contagion (2011 également), nettement plus ambitieux dans ses intentions mais d’une maladresse d’exécution qui ne pardonne pas  --  et alors même que l’un et l’autre sortent de la plume du même scénariste, Scott Z. Burns.

5 avril 2013

Un quartet au paradis.


Perfect Mothers, d’Anne Fontaine (2012).

            Un esprit peu charitable ou particulièrement inattentif, voire carrément somnolent, pourrait accuser Anne Fontaine de vouloir faire sortir la catégorie milf [1] de son habituel ghetto pornographique pour la hisser au niveau d’une production à l’érotisme chic et choc pour magazine sur papier glacé, et ici légèrement épicée de variations plus ou moins sulfureuses. Ce serait en fait bien mal voir tant le sujet de Perfect Mothers, qui adapte une nouvelle (ou un court roman) de Doris Lessing un peu méchamment intitulé « The Grandmothers »[2], se situe résolument sur un autre plan.

3 avril 2013

Quelque part au-delà des pins.


The Place beyond the Pines, de Derek Cianfrance (2012).

            N’ayant pas vu le précédent film de Derek Cianfrance, Blue Valentine (personne n’est parfait et je compte réparer sans tarder cette coupable négligence), un cinéaste dont j’ignorais donc tout, c’est sans a priori particulier que je suis allé voir son nouveau et troisième film[1] au titre quelque peu déroutant  --  aussi le choc n’en a-t-il été que plus fort tant il s’agit d’un exceptionnel coup de maître.