29 janvier 2013

Une inclination certaine pour le bizarre et l'incongru.


Réédition de Django, de Sergio Corbucci (1966).

            Comme pour L’Esclave libre de Raoul Walsh, mais de façon peut-être plus discutable, c’est à Quentin Tarentino, à la sortie de son film Django Unchained (qui n’a pas grand-chose de commun avec l’autre, le nom de son personnage principal mis à part) et à son insistance à vouloir réhabiliter, entre autres genres mineurs, le western spaghetti, que l’on doit aujourd’hui la réédition du Django de Sergio Corbucci dans un circuit « art et essai » qui n’aurait jamais imaginé le programmer un jour à l’époque de sa sortie en 1966. C’était en rasant les murs, dans des salles de quartier ou dans un circuit spécialisé dans le cinéma bis qui comprenait entre autres l’Amiral, au métro Bonne Nouvelle, tout près du Rex, et le Concordia, je ne sais plus où, qu’on allait voir ce genre de productions généralement ultra fauchées, ringardes la plupart du temps, proposées uniquement en version française et parfois mutilées[1]. Mais les temps changent et l’on passe de la mauvaise conscience du cinéphile dévoyé à des plaisirs certes coupables mais d’autant plus avouables qu’une certaine forme d’opportunisme un peu snob vient volontiers brouiller les cartes.

28 janvier 2013

Quelque part entre sublime et grotesque.


Blancanieves, de Pablo Berger (2012).

            Même si sa genèse lui est antérieure, voilà un film qui a le tort d’arriver après The Artist, dont on sait le succès quasi planétaire qu’il a connu. Le principe en est le même, au moins au départ : réaliser un film entièrement muet et en noir et blanc  --  tenter en somme de retrouver le charme du cinéma des origines. Mais il y a peu de chances que le miracle commercial se reproduise, et c’est d’autant plus regrettable que Biancanieves est à bien des égards un film remarquable, plus exigeant et original que celui de Michel Hazanavicius  --  et malheureusement aussi moins directement séduisant.

25 janvier 2013

Action brutale et réflexion métaphysique.


Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow (2012).

            C’est le risque que court toute entreprise qui prétend vouloir coller de très près à l’actualité : nourrir des polémiques étrangères au domaine dont elle relève à l’origine. Ainsi, à propos de Zero Dark Thirty, parle-t-on moins de cinéma que de torture  --  ce qui paraît grandement agacer Kathryn Bigelow (au point de refuser désormais d’aborder la question dans ses interviews) et lui vaudra peut-être de payer le prix fort lors des très politiquement corrects Oscars[1]  --  pantalonnade d’ailleurs en soi assez anecdotique. Récompensé ou pas, Zero Dark Thirty n’en demeurera pas moins un grand film de cinéma doublé d’un film important.

22 janvier 2013

Entre méditation romantique et héroïsme serein.


Réédition de L’Esclave libre (Band of Angels), de Raoul Walsh (1957).

            L’actualité des rééditions suit au plus près l’actualité des sorties hebdomadaires dominée ces temps-ci par le Django Unchained de Quentin Tarentino. Ainsi pourra-t-on bientôt revoir en copie restaurée et version intégrale le film de Sergio Corbucci, Django (1966, qui n’a d’ailleurs que peu à voir avec celui de Tarentino), et dès cette semaine la Filmothèque de la rue Champollion propose de redécouvrir L’Esclave libre (Band of Angels), le beau film de Raoul Walsh qui se déroule lui aussi, sur fond d’esclavagisme, à la veille puis pendant la guerre de Sécession, dans le Sud des Etats-Unis  --  alors profondément désunis.

19 janvier 2013

Une vraie trempe de cinéaste.


Django Unchained, de Quentin Tarentino (2012).

            Martin Scorsese et Quentin Tarentino ont ceci en commun qu’ils pratiquent une mise en scène volontiers ostentatoire (d’aucuns diront baroque) et aiment passionnément le cinéma. Cet engouement qui remonte à leurs jeunes années les rend particulièrement sensibles au cinéma de genres, populaire par excellence, et aux plaisirs coupables qu’il propose. Mais, question de génération sans doute, quand l’un (né en 1942) s’intéresse à une production presque essentiellement américaine et reposant sur des critères classiques, l’autre (né en 1963) ne cache pas sa fascination pour un cinéma bis souvent ultra fauché (Corman fait partie de ses références) avec ses dépendances asiatiques ou européennes, et notamment italiennes  --  péplum, giallo[1] et western spaghetti en tête. D’où une étrange filmographie un peu foutraque où voisinent hommage aux films d’arts martiaux (Kill Bill, 2003) et polars revus et corrigés par quelque garnement mal élevé (Reservoir Dog, 1992, Pulp Fiction, 1994, ou encore Jackie Brown, 1997, histoire de saluer au passage les films de blaxexploitation[2]). Après un clin d’œil ludique et marrant, mais pas très convaincant, aux doubles programmes d’autrefois (Death Proof/Boulevard de la mort, 2007), Tarentino passe aujourd’hui avec ce Django Unchained du film de guerre (Inglourious Basterds, 2009) au western  --  ou prétendu tel.

16 janvier 2013

Loin des sentiers battus.


The Master, de Paul Thomas Anderson (2012).

            Il aura suffi d’une quinzaine d’années et de six longs métrages pour que Paul Thomas Anderson s’impose de façon (presque) indiscutable comme un des éléments les plus intéressants de la jeune génération des cinéastes américains  --  ceux nés entre 1970 et le début des années 80. Dès son deuxième film en fait (Boogie Nights, 1997), on pouvait déceler les qualités d’une écriture cinématographique appliquée à une volonté d’explorer les angles morts de l’Amérique  --  le tout d’un point de vue original, sous la forme d’une sorte de conflit entre épopée et affrontements intimes. Tous ses films suivent peu ou prou la même démarche, Magnolia en 1999, There Will Be Blood en 2007 et aujourd’hui The Master  --  à l’exception notable de Punch Drunk Love (2001), plus modeste sans doute, mais non moins personnel, déconcertant et inclassable que les autres.

14 janvier 2013

Un film à (re)découvrir d'urgence.


Réédition de Hud (Le plus sauvage d’entre tous), de Martin Ritt (1963).

Voilà une réédition particulièrement bien venue pour un film que (je dois l’avouer à ma grande honte) je n’avais jamais vu jusqu’ici, non point qu’il fût particulièrement invisible (il est disponible en DVD) mais parce que m’en avaient dégoûté par avance les commentaires négatifs de la plupart des critiques et historiens du cinéma pour lesquels tout le début de la carrière de Martin Ritt (au moins) est à jeter aux chiens. Je veux bien qu’il n’y ait rien à sauver de Paris Blues (1961) et surtout de ses adaptations faulknériennes (The Long Hot Summer/Les Feux de l’été, 1958, et plus encore The Sound and the Fury/Le Bruit et la fureur, 1959, une entreprise absurde dès le départ) mais A Man Ten Feet Tall (L’Homme qui tua la peur, 1957) n’est pas totalement dénué de qualités une fois admis la coloration politique très manichéenne véhiculée par la gauche libérale américaine de l’époque[1]. Ce n’est en fait qu’à partir de 1965 avec The Spy Who Came in From the Cold (L’Espion qui venait du froid) que certains reconnaîtront enfin à Ritt, venu du théâtre et de la télévision, un peu de talent  --  et encore : du bout des lèvres. Au début des années 70, à l’époque de l’excellent The Molly Maguires (Traitre sur commande, 1970), une bonne partie de la critique française l’ignorera encore, et ce n’est vraiment qu’avec Sounder (1972), Conrack (1974), The Front (Le Prête-nom, 1976) et Norma Rae (1979) que ses qualités seront enfin reconnues  --  non sans que l’on évoque encore ici ou là la lourdeur de sa patte. Quant Hud, qui se situe à la charnière de ce que l’on pourrait appeler les deux grandes périodes de Ritt (avant et après 1965), il a largement été vilipendé, à la façon injuste dont sera accueilli quelques années plus tard un film qui lui ressemble à beaucoup d’égards et qu’on a pu heureusement réévaluer tout récemment, Never Give an Inch (Le Clan des irréductibles, Paul Newman, 1971).

8 janvier 2013

Splendeurs du cinéma (2).


Réédition de Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule), de Billy Wilder (1950).

            La nouvelle année commençant à peu près comme la précédente s’est achevée, on ne m’en voudra pas trop d’abandonner un instant une actualité sans grand intérêt au profit de rééditions qui laissent loin derrière elles, je l’ai déjà dit à propos de Splendor in the Grass , l’essentiel de la production qui nous est proposée chaque semaine  --  en attendant la sortie prochaine de The Master, de l’excellent Paul Thomas Anderson. Toutes les reprises ne se valent évidemment pas, certaines ne méritant nullement cet honneur (voir récemment L’Etrange créature du lac noir ), mais la plupart justifient le grand intérêt que l’on peut nourrir pour le cinéma  --  intérêt dont la fréquentation des salles que l’on disait autrefois « de première exclusivité » nous fait trop souvent douter. Aussi, pour reprendre une formule célèbre, à la question : « Quoi de neuf ? », peut-on répondre ces temps-ci : Lang (avec le cycle qui vient de s’achever au « Cinéma de Minuit » de France 3), Kazan, Wilder, voire Zinneman ( High Noon ) et pourquoi pas Martin Ritt dont Hud (Le Plus sauvage d’entre tous, 1963) est une heureuse redécouverte, j’en parlerai prochainement. Cependant, histoire de respirer un peu l’air des sommets, commençons par Sunset Boulevard.

2 janvier 2013

Une comédie aussi légère qu'une bulle de savon.


Réédition de Love is News (L’Amour en première page), de Tay Garnett (1937).

            Il ne fait pas de doute que le nom de Tay Garnett ne dit rien depuis longtemps au grand public et sans doute pas grand-chose aux jeunes générations de cinéphiles. C’est tout juste s’ils connaissent encore son film assurément le plus célèbre (et principalement en raison de la notoriété du roman de James Cain qu’il adapte), Le Facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice, 1946)  --  que son remake plus torride (et donc plus fidèle à l’esprit de Cain), réalisé en 1981 par Bob Rafelson avec Jack Nicholson et Jessica Lange a cependant, à tort ou à raison, quelque peu éclipsé. Demeure également dans les mémoires La Maison des sept péchés (Seven Sinners, 1940), grâce surtout à la présence de Marlene Dietrich en vedette féminine[1]. Mais celui qui fut longtemps son film le plus fameux, Voyage sans retour (One Way Passage, 1932) est tombé dans l’oubli, faute d’être visible. Il faut dire que le meilleur de Garnett, né en 1898 et mort en 1977, appartient aux années 30 et 40 et reste largement ignoré. Il est à souhaiter que l’hommage que prépare la Cinémathèque pour le printemps prochain permette d’y voir un peu plus clair et de compléter la connaissance très fragmentaire  que nous avons de son œuvre  --  et c’est donc avec d’autant plus de chaleur que l’on saluera la réédition de Love is News que propose ces jours-ci l’Action Christine.