29 décembre 2012

Un fils lointain de l'inspecteur Harry.


Jack Reacher, de Christopher McQuarrie (2012).

            Il aura fallu attendre une douzaine d’années pour voir revenir derrière les caméras Christopher McQuarrie, auteur du scénario ultra-brillant de The Usual Suspects (Bryan Singer, 1995) et d’un premier film prometteur, The Way of the Gun (2000). Entre l’écriture de scénarios d’une qualité inégale (on lui doit notamment celui de l’exécrable The Tourist, de Florian Henckel von Donnersmarck, 2011) et tout en poursuivant sa collaboration avec le décevant Singer (Jack the Giant Killer, dont la sortie est annoncée pour dans quelques mois), il semble s’être mis aujourd’hui avec Jack Reacher au service de Tom Cruise, sans doute rencontré sur le plateau de Walkyrie (Bryan Singer, 2008).

27 décembre 2012

Splendeurs du cinéma (1).


Réédition de Splendor in the Grass (La Fièvre dans le sang), d’Elia Kazan (1960).

            Il y a des rééditions de films plus ou moins anciens dont l’immense qualité laisse très loin derrière eux l’essentiel de la production que l’actualité nous jette en pâture de semaine en semaine. Splendor in the Grass et Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule, Billy Wilder, 1950), qu’on propose de nouveau à notre admiration, en sont de bons exemples. On m’objectera à juste titre que ces films ont été en leur temps, comme les autres, des « films nouveaux », parfois très diversement appréciés et qui, pour certains, n’ont gagné leur statut de très grande œuvre qu’au fil du temps. Il est non moins vrai qu’on ne peut toujours juger la production courante à l’aune des seuls films majeurs. Mais il n’empêche : quand tant de bandes insipides passent en ne laissant que des souvenirs confus et rapidement envolés, il est bon de retrouver de temps en temps les splendeurs de cet art unique que peut être, au-delà de l’industrie, le cinéma.

23 décembre 2012

Un peu plus qu'un western?


Réédition de High Noon (Le train sifflera trois fois), de Fred Zinnemann (1952).

            Il fut un temps lointain où certains cinéphiles français vouaient High Noon aux gémonies, estimant le film lourdement démonstratif et mis en scène de façon empesée, condamnant au passage toute l’œuvre de Fred Zinnemann[1]  --  quand d’autres au contraire, réputés n’apprécier guère le western, y voyaient l’entrée du genre dans l’âge adulte, abordant un « vrai grand sujet » loin des sempiternels archétypes du genre. Les uns et les autres exagéraient alors, en ces temps de terrorisme critique, promulguant facilement des oukases destinées à massacrer certains cinéastes pour en mieux défendre d’autres[2]. Les assauts de mauvaise foi ayant depuis lors fait long feu (encore que…), c’est avec la plus grande sérénité et le recul nécessaire (soixante ans tout de même) que l’on peut revoir et juger aujourd’hui High Noon dans une splendide copie numérique.

20 décembre 2012

Le portrait au vitriol d'une certaine Amérique contemporaine.


Arbitrage, de Nicholas Jarecki (2012).

            Ce n’est assurément pas le chef-d’œuvre de l’année mais voilà un film très habilement mené, réalisé par un jeune réalisateur (il est né en 1979), auteur d’un documentaire sur James Toback (The Outsider, 2005), et dont c’est le premier long métrage de fiction. Cependant, n’étant ni un blockbuster capable de rivaliser avec un quelconque hobbit aux moyens dévastateurs ni un dessin animé susceptible de drainer en cette période festive un large public enfantin, il y a de bonnes chances pour qu’Arbitrage, en dépit d’un casting plutôt haut de gamme, connaisse un retentissant échec commercial de ce côté-ci de l’Atlantique. On pourra le déplorer sans s’en étonner pour autant.

18 décembre 2012

Un film de producteur.


Le Hobbit : un voyage inattendu (The Hobbit : An Unexpected Journey), de Peter Jackson (2012).

            C’est d’abord l’histoire de la rencontre inattendue d’un cinéaste plutôt obscur, auteur de quelques bandes gores sans autre intérêt qu’un pittoresque déjanté, et d’une œuvre littéraire hissée au niveau d’un mythe planétaire. Qui aurait jamais imaginé que Peter Jackson trouverait un jour son chemin de Damas cinématographique en adaptant la saga de Tolkien, « Le Seigneur des Anneaux » hier, « Bilbo le Hobbit » aujourd’hui ? Il faut dire que le spectaculaire riche en exotisme et effets spéciaux lui convient à merveille : son excellent remake de King Kong (2005) en témoigne, de même que, preuve par l’absurde, l’exécrable Lovely Bones (2009) marque ses limites dans un registre de fantastique disons plus psychologique et intimiste.

14 décembre 2012

Un beau sujet gâché.


Les Bêtes du sud sauvage (Beasts of the Southern Wild), de Benh Zeitlin (2012).

            Voici donc le coup d’essai d’un jeune cinéaste qui nous arrive tout auréolé d’une gloire surprenante : accueil critique d’une rare ferveur et lauriers récoltés ici et là  --  Grand Prix du jury à Sundance et Caméra d’or à Cannes, entre autres distinctions. Ajoutons à cela l’axiome pas toujours justifié qui voudrait qu’une production indépendante fût a priori toujours peu ou prou intéressante, et l’on obtient à l’arrivée un film attendu avec une impatience fébrile et beaucoup d’espoir  --  un film que l’on pourrait dire en somme déjà aimé avant même que d’être vu. Le réveil n’en est que plus douloureux quand, au sortir de la projection, on se lamente avec colère sur l’air de « tout ça pour ça », une fois constaté que la montagne cinématographique qu’on nous promettait n’accouche que d’une souris prétentieuse.

12 décembre 2012

Une société entre artifice et naturalisme.


Anna Karénine (Anna Karenina), de Joe Wright (2012).

            Curieux cinéaste que Joe Wright, qui ne semble vraiment à  son aise qu’en se colletant avec une matière romanesque connue et reconnue, souvent difficilement abordable, mais qu’il parvient cependant à dominer avec la complicité de scénaristes particulièrement inspirés. Aussi laissera-t-on de côté, comme toujours sous bénéfice d’inventaire, Le Soliste (The Soloist, 2009), décevante escapade américaine, et Hanna (2001), thriller de peu d’intérêt à mi-chemin de la Nikita de Luc Besson et de la saga Jason Bourne,  pour mieux rappeler les réussites que furent Orgueil et préjugés (Pride and Prejudice, 2005) et plus encore Reviens-moi (Atonement, 2007) dont le scénario virtuose  de Christopher Hampton adaptait un roman de Ian McEwan pourtant réputé inadaptable. De même qu’avec Orgueil et préjugés on pouvait légitimement s’interroger sur l’opportunité d’une énième adaptation de Jane Austin (encore que le succès de Raison et sentiments/Sense and Sensibility de Ang Lee avait en quelque sorte ouvert la voie dix ans auparavant), il n’est pas déplacé de se demander, comme pour Thérèse Desqueyroux il y a peu, ce que le roman de Tolstoï a encore à nous dire et comment donc un cinéaste de la jeune génération (Wright a tout juste quarante ans) peut se l’approprier aujourd’hui.

10 décembre 2012

Allégorie d'une Amérique au bord du gouffre.


Cogan : Killing Them Softly (Killing Them Softly), de Andrew Dominik (2012).

            Andrew Dominik fait partie de ces cinéastes australiens ou néo-zélandais attirés à Hollywood après quelques premiers pas au pays  --  illustrant en quelque sorte l’extrême porosité qui existe encore entre les anciennes colonies anglaises. De Peter Weir, le grand ancien, à John Hillcoat en passant par Andrew Niccol, pour le meilleur, et Baz Luhrman, pour le pire, ils sont ainsi quelques-uns à mener avec des fortunes diverses une carrière américaine (ou internationale si l’on préfère) aux côtés d’acteurs également d’origine aussie (Mel Gibson, Nicole Kidman, Russel Crowe, Eric Bana, Geoffrey Rush ou Cate Blanchett, parmi d’autres). Après L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, 2007), adaptation ambitieuse et plutôt réussie d’un roman de Ron Hansen, Andrew Dominik poursuit son compagnonnage professionnel avec Brad Pitt, également producteur de ce nouveau film, cette fois d’après une série (très) noire de George V. Higgins, Cogan : Killing Them Softly.

5 décembre 2012

Le diable au couvent.


Au-delà des collines (Dupa Dealuri), de Cristian Mungiu (2012).

            Jeune cinéaste distingué par une Palme d’or inattendue en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, qui décrivait par le menu les aléas d’un avortement clandestin dans la Roumanie de Ceausescu, et de nouveau récompensé cette année (meilleur scénario et double prix d’interprétation féminine), Cristian Mungiu doit à son statut désormais international d’être considéré comme le chef de file d’un cinéma roumain en pleine renaissance. Il est sans doute un cinéaste des plus brillants et nul ne saurait contester son talent. Mais, pour autant, Au-delà des collines en montre aujourd’hui les limites, moins du fait de son indiscutable savoir-faire que de la perception qu’il en a et qu’il veut bien en donner.

3 décembre 2012

Les copains d'abord.


Comme des frères, d’Hugo Gélin (2012).

            Fils de Xavier Gélin, mort prématurément il y a quelques années déjà et qui fut acteur et surtout producteur, et petit-fils de Danièle Delorme et de Daniel Gélin, excusez du peu, Hugo Gélin (né en 1980) est assurément tombé dans le cinéma quand il était tout petit. Aussi, bon sang ne sachant mentir, propose-t-il aujourd’hui, après deux courts métrages, un premier film d’autant plus plaisant que le mois de novembre aura été, au moins cinématographiquement parlant, plutôt morne et  tristounet.

1 décembre 2012

Les jeux de l'amour et du pouvoir.


Royal Affair (En Kongelig Affaere), de Nikolaj Arcel (2012).

            Après avoir découvert il y a quelques années la richesse et la diversité de la littérature scandinave, qu’elle soit policière ou générale (et en grande partie grâce au travail des éditions Actes Sud), on s’aperçoit que se développe aussi dans le nord de l’Europe, au-delà des grands précurseurs bien connus (de Dreyer à Bergman en passant par Sjöström et Stiller) et des récents ravages du Dogme 95, une production audiovisuelle de grande qualité  --  je dis audiovisuelle puisqu’elle concerne aussi bien le cinéma que la télévision avec d’excellentes séries comme Forbrydelsen (connue aussi sous le titre de The Killing, comme son remake américain), les enquêtes du commissaire Winter ou encore Borgen, actuellement diffusée sur Arte. Millenium déjà (la version locale de Niels Arden Oplev, pas déshonorante même si inférieure à celle de David Fincher), plus récemment Les Révoltés de l’île du diable de Marius Holst, malheureusement passé complètement inaperçu, aujourd’hui Royal Affair  --  autant de films parfaitement aboutis qui témoignent d’un cinéma nordique en bonne santé et libéré des théories ineptes du Dogme[1].