15 novembre 2012

"La nostalgie n'est plus ce qu'elle était".


Réédition de L’Etrange Créature du lac noir (The Creature from the Black Lagoon), de Jack Arnold (1954).

            Amusante idée (peut-être due au seul hasard) de rééditer ce petit film fantastique des années 50, en noir et blanc mais avec option 3D en prime, au moment où nous arrive par ailleurs le Frankenweenie de Tim Burton. Il n’y a ni mépris ni condescendance de ma part dans l’utilisation du qualificatif petit, qui se rapporte d’abord à la modicité d’un budget visiblement étriqué. Une poignée d’acteurs peu connus, un unique décor d’extérieur (le lagon du titre original) et tout le reste filmé en studio (avec transparences), à l’exception notable de prises de vues sous-marines dont le film fait un usage immodéré  --  normal, me direz-vous, pour une production qui met en vedette une créature amphibie.


            Il serait assez vain d’aborder le film, au demeurant médiocre, d’une façon anachronique, en le comparant notamment à ce que sont devenus de nos jours des genres aussi sollicités que le fantastique et la science-fiction. Bénéficiant désormais de budgets confortables quand ils ne sont pas colossaux, ces genres réputés secondaires avaient à peine droit de cité dans l’Amérique des années 50 et 60. C’était l’époque où un Roger Corman pouvait tourner n’importe quel film de cette nature en quelques jours seulement et avec des bouts de ficelles. Il existait cependant un public pour ces films, souvent des teenagers enthousiastes, et L’Etrange Créature rencontra un succès tel que deux suites tout aussi médiocres furent réalisées (La revanche de la Créature/Revenge of the Creature, 1955, du même Jack Arnold, et La Créature est parmi nous/The Creature Walks Among Us, 1956, de l’obscur John Sherwood).

            Il faut beaucoup d'indulgence, disons-le, pour trouver un intérêt autre que purement historique à cette production sans charme, très platement filmée (un comble pour un film en 3D !), surjouée par des acteurs de second ordre et dont les péripéties sans surprises effraient moins qu’elles n’amusent. Comme dans King Kong, la bête succombe finalement aux charmes de la belle (Julia Adams) qui se prend pour Esther Williams dans les eaux du lagon noir  --  comme quoi une apparence monstrueuse peut cacher un cœur de midinette. C’est plus au niveau de son influence qu’on pourrait presque dire occulte qu’un tel film nous intéresse aujourd’hui. Il est certain que ce cinéma-là, naïf et bricolé, a forgé l’imaginaire d’une partie des cinéastes du nouvel Hollywood, qui s’en sont nourris entre pop-corn et coca-cola, de Burton à Spielberg en passant par Lucas. En forçant un peu et si l’on est de bonne humeur, on peut  même apercevoir très vaguement derrière cette créature venue du fond des âges la silhouette autrement plus impressionnante du monstrueux extra-terrestre de la série Alien.

            Jack Arnold a bénéficié pendant assez longtemps aux yeux des aficionados du cinéma fantastique d’une réputation pour le moins surfaite. Un seul de ses films relevant du genre me paraît tenir à peu près la route, The Incredible Shrinking Man (L’Homme qui rétrécit, 1957), et encore mon opinion repose-t-elle sur des souvenirs très lointains. S’il devait passer à la postérité, ce serait peut-être plutôt pour The Mouse That Roared (La Souris qui rugissait, 1960), comédie à l’anglaise où Peter Sellers tient plusieurs rôles à la façon d’Alec Guinness dans Noblesse Oblige (Kind Hearts and Coronets, Robert Hamer, 1949)  --  film qui lança sa carrière et qu’il faudrait revoir. Mais, nostalgie mise à part, Jack Arnold mérite-t-il vraiment d’être redécouvert ?

2 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec vous concernant L’Etrange Créature du lac noir, particulièrement soporifique.

    Et, d'après moi, The Mouse That Roared est également surévalué. J'ai eu l'occasion de voir ce film il y a moins d'un an avec des amis, tous alléchés par la perspective d'un Peter Sellers cabotinant dans de multiples rôles.
    Nous avons été particulièrement déçus, tant par l'humour assez pitoyable que par la réalisation quelconque.

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    1. Merci pour votre commentaire et vos précisions sur « La Souris qui rugissait ». Mes souvenirs sur ce dernier film sont très, très, très lointains et je crains bien de partager votre déception le jour où (peut-être) je le reverrai. Les films se jugeant en appel comme j’aime bien le dire, il y a malheureusement plus de révisions déchirantes qu’enthousiasmantes. Et, sans vouloir m’acharner sur lui, Jack Arnold n’est assurément pas de ces cinéastes pour lesquels une réévaluation paraît devoir s’imposer.

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