24 octobre 2012

Une languissante comédie, n'est-il pas?


Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté, de Laurent Tirard (2012).

            Parce qu’on aime bien et depuis longtemps les aventures d’Astérix en bandes dessinées (du moins celles écrites par l’excellent René Goscinny) ; parce qu’après l’échec retentissant du précédent opus une revanche s’imposait ; parce que se trouvent ici réunis, d’Edouard Baer à Bouli Lanners, quelques comédiens dont l’humour très personnel promettait de nous sortir des sentiers battus ; parce qu’il aurait été heureux et bien venu qu’un vrai grand succès populaire vienne conclure une rentrée particulièrement faste, en termes qualitatifs, pour le cinéma hexagonal ; pour toutes ces raisons et quelques autres qui tiennent au plaisir tout simple de rire sans arrières pensées d’aucune sorte, on aimerait dire le plus grand bien d’un film qui propose rien moins que  l’adaptation de deux des plus mémorables albums de la série, « Astérix chez les Bretons » et « Astérix et les Normands ».

            L’échec de l’entreprise, car c’est bien d’un échec qu’il s’agit ici, pas déshonorant certes mais bien réel, tient sans doute au fait que les auteurs (Laurent Tirard, le réalisateur, et Grégoire Vigneron, son coscénariste) ont voulu jouer sur deux tableaux bien distincts sans jamais trouver le ton et le tempo qui auraient pu les unir en un tout harmonieux. Soit donc d’une part la coloration burlesque attendue, celle de l’esprit de la bande dessinée qu’Alain Chabat avait su en son temps parfaitement saisir et dépasser (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, 2001), et d’autre part une curieuse volonté de tirer les personnages vers une sorte de comédie de mœurs où l’humain percerait sous la caricature. Ainsi le ton raisonneur d’Astérix prend-il rapidement le dessus justifiant de lourdes considérations pontifiantes sur l’amitié qui réchauffe le cœur ou l’espoir qui arme les Bretons à défaut de potion magique, gommant du même coup tout ce que l’habituel humour décalé d’un Edouard Baer (mal à l’aise dans le rôle et bien mieux utilisé naguère par Chabat) pouvait apporter de nouveau au personnage. On a bien du mal au surplus à s’intéresser à toutes les intrigues plus ou moins secondaires qui parcourent le film et dans lesquelles il s’enlise bien souvent, ralentissant d’autant plus l’action que bon nombre de répliques ou d’effets comiques (les anachronismes par exemple) tombent à plat  --  même lorsque sont convoqués de façon incongrue une poignée de Normands (sans drakkar toutefois) menés par un Bouli Lanners qu’on a lui aussi connu en meilleure forme.

            Certes la dimension cartoonesque n’est pas ici totalement évacuée, et les baffes du cher Obélix ont encore droit de cité, on ne saurait trop s’en féliciter. Mais contaminées semble-t-il par le rythme languissant d’un ensemble qu’on dirait tout juste dopé au five o’clock tea quand un bon vieux whisky (écossais il est vrai) aurait su donner des ailes à un récit singulièrement plombé. Là où l’on attendait le peps survitaminé d’un Tex Avery ou d’un Chuck Jones on ne nous propose guère qu’un bout à bout d’effets pas toujours heureux, une suite de saynètes sans réelle unité et, cerise sur le gâteau, une absence de mise en scène confondante. Une fois de plus c’est aux acteurs qu’il revient de sauver la mise, d’autant que sur ce point la production n’a pas regardé à la dépense  --  jusque dans les apparitions en caméo  de Jean Rochefort ou Gérard Jugnot. Mais si certains dominent leur sujet de la tête et des épaules (Gérard Dapardieu et Valérie Lemercier, sans l’ombre d’un doute) beaucoup semblent tâtonner en quête de personnages qu’on n’a malheureusement pas pris la peine de doter d’un minimum d’épaisseur (Guillaume Gallienne, Fabrice Luchini, Vincent Lacoste ou Catherine Deneuve). Les uns paraissent n’être jamais dirigés quand les autres se dirigent tout seuls, unique solution pour s’en tirer sans dommages dans ce type de situation. Les troisièmes couteaux enfin, essentiels pour le coup (qu’on se souvienne seulement de Gérard Darmon dans l’opus chabatien), brillent surtout par leur absence alors même que l’embarquement des Normands dans l’aventure aurait pu donner lieu à d’intéressants développements  --  autres en tous cas que les facéties un peu longuettes d’un Dany Boon métamorphosé en gentleman breton suite à une variante artisanale et primitive du traitement Ludovico (citation cinéphilique, il en fallait bien une, de l’Orange Mécanique de Kubrick).

            Il serait assurément faux de dire que l’on ne rit pas ici ou là, mais on reste le plus souvent de marbre, c’est le cas de le dire, devant un spectacle trop long et répétitif. On sait depuis Molière et peut-être même Plaute qu’il est beaucoup plus difficile de faire rire que de faire pleurer et que l’art de la comédie est un grand art trop souvent négligé  --  d’ailleurs, combien de comédies (je parle de comédies réussies) ont bénéficié de ces hochets que sont les Lions, Ours ou Palmes d’or, pour ne pas parler des Césars et autres Oscars ? Une fois de plus il nous est ici prouvé que si le rire est le propre de l’homme, il n’est pas la chose la mieux partagée au cinéma.

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