13 septembre 2012

Des qualités mais peut mieux faire.


Camille redouble, de Noémie Lvovsky (2012).

            Qui n’a jamais rêvé de revivre une partie de sa vie pour en corriger les défauts (ou ce que l’on croit tel) à l’aune de l’expérience acquise par la suite ? Tout en sachant qu’il suffit peut-être de modifier un élément de sa vie, aussi modeste soit-il, pour qu’elle s’en trouve toute entière changée. Je ne sais quel crédit il faut accorder au fameux « effet papillon » et la Camille de Noémie Lvovsky n’en a d’ailleurs cure puisque, à l’évidence, son retour vers le passé ne changera rien à un futur qui se conjugue en fait au présent. Peut-être cependant la cinéaste aurait-elle dû rendre au passage à Coppola ce qui lui revient de droit tant il est difficile de ne pas penser à tout ce que cette Camille de 2012 doit à sa Peggy Sue de 1986 (Peggy Sue s’est mariée/Peggy Sue Got Married).

            Camille, donc, actrice à la quarantaine cabossée et toujours en quête d’une panouille, un peu trop portée sur la bouteille et en situation de douloureuse rupture conjugale (c’est Noémie Lvovsky elle-même qui assume le rôle avec courage), Camille se retrouve projetée vingt-cinq ans en arrière, au cœur des années 80  --  peut-être par la grâce d’un horloger magicien qui lui règle sa montre avec une seconde de retard sur le temps universel. Ainsi retrouve-t-elle ses parents (morts depuis), sa chambre d’adolescente, ses copines de lycée et son futur mari rencontré au détour d’une salle de permanence. On imagine facilement les développements qui s’ensuivent.

            Il y a d’abord le décalage entre les époques et la légère reconstitution qu’il suppose  --  effet comique d’autant plus garanti que Noémie Lvovsky a choisi de ne pas se rajeunir tout en s’habillant à la façon, forcément un peu risible aujourd’hui, d’une minette de ces années-là. Il y a ensuite le jeu sur les retrouvailles qu’une aussi fantastique situation peut susciter. Retrouvailles nostalgiques, avec toutes les traces (chansons, affiches, objets) d’un temps perdu qui refait brusquement surface ; retrouvailles sentimentales avec les êtres chers qui d’un seul coup revivent sous nos yeux et qu’on se promet cette fois, c’est juré, d’aimer comme il faut et de ne pas décevoir. La possibilité qui nous est en somme offerte de corriger le passé pour assurer un avenir meilleur. Et cet avenir meilleur, pour Camille, encore sous le choc de sa catastrophe sentimentale, passe (pense-t-elle) par une autre vie amoureuse, une vie qu’elle veut plus intense dans son nouveau présent pour ménager l’avenir  --  mais un avenir d’où sera alors exclue sa future fille, peut-être ce qu’elle a fait de mieux dans sa vie, on voit le dilemme. Impossible cependant de réécrire l’histoire : elle ne parviendra pas à sauver la vie de sa mère, en dépit des examens médicaux que sa connaissance du futur lui permet d’imposer, pas plus qu’elle n’échappera à un mariage qui se révélera désastreux. Un épilogue apaisé laisse planer un certain doute sur l’avenir : quand un retour en arrière ne permet pas de changer l’avenir, autant laisser la vie suivre son cours naturel. On pourra y déceler, selon son humeur, une forme de fatalisme désenchanté ou une leçon de sagesse.

            On voit que le sujet ne manquait pas d’intérêt. D’où vient alors l’espèce d’insatisfaction que l’on ressent une fois le film terminé, cette impression d’avoir vu le récit partir dans de multiples directions sans parvenir à en choisir une, en somme de manquer cruellement d’un point de vue qui structurerait tout à la fois scénario et mise en scène ? Ainsi assiste-t-on à une juxtaposition de scènes, quelques unes très réussies, atteignant à une émotion certaine, d’autres au contraire complètement ratées, sans que jamais le film ne parvienne à trouver son unité. La faute assurément à cette croyance, assez communément répandue dans le cinéma français depuis les années 60 et la Nouvelle Vague, qui veut qu’une suite d’idées plus ou moins bonnes suffit à créer une progression dramatique, que la mise en scène (ou ce qui en tient lieu) suivra et qu’il n’est guère besoin d’aller chercher au-delà d’une spontanéité garante de naturel et d’authenticité. Ainsi en arrive-t-on à faire fausse route et à s’égarer avec les meilleures intentions du monde. Bref, et pour filer la métaphore scolaire que le titre du film induit et illustrer l’incomparable poésie des bulletins trimestriels : des qualités mais peut mieux faire.

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