28 juillet 2012

Sur fond d'apocalypse.


The Dark Knight Rises, de Christopher Nolan (2012).

            Même ceux qui n’ont pas toujours été entièrement convaincus par toutes les réalisations de Christopher Nolan doivent admettre qu’il est à coup sûr aujourd’hui (et bien que citoyen britannique) un des six ou sept cinéastes « américains » d’importance apparus ces quinze dernières années  --  et pour ainsi dire le seul capable de conjuguer nécessités commerciales et préoccupations d’auteur (distinguo que je n’apprécie guère au demeurant) dans des productions aux budgets pharaoniques mais où jamais pour autant il ne renonce à faire œuvre originale. Ainsi, souvent responsable de ses scénarios (avec parfois, comme ici, son frère Jonathan), a-t-il pu développer une vision du monde personnelle à la fois noire et volontiers tortueuse, tout en étant capable dans le même temps de s’adapter à des univers venus d’ailleurs mais proches de ses préoccupations  --  du scénario de Nicolaj Frobenius pour Insomnia (2002) aux bandes dessinées de Frank Miller (plutôt que de Bob Kane, pourtant à l’origine du personnage de Batman) en passant par un roman bien particulier de Christopher Priest (The Prestige/Le Prestige, 2006). On peut y déceler un goût marqué pour un (ou des) monde(s) en rupture, où le temps paraît comme s’envoler dans une autre dimension et l’espace se dérober sous les pieds de personnages condamnés à vivre des situations en constant déséquilibre. The Dark Knight Rises n’échappe pas à la règle,  à la fois blockbuster destiné à gagner beaucoup d’argent (et qui en gagnera sûrement beaucoup) et réflexion approfondie sur notre monde contemporain  --  et la fusillade d’Aurora, qui a dramatiquement marqué les débuts de l’exploitation du film aux Etats-Unis, lui donne un prolongement sanglant en même temps qu’elle éclaire et conforte la vision du cinéaste.

17 juillet 2012

"La mort aux trousses".


Piégée (Haywire), de Steven Soderbergh (2011).

            Un peu à l’instar de ses confrères britanniques Stephen Frears et Michael Winterbottom, mais à la puissance quatre ou cinq, l’Américain Steven Soderbergh apparaît depuis des années maintenant comme une sorte de touche-à-tout plutôt doué et, à coup sûr, hyperactif (son film suivant, Magic Mike !, sort dès le mois prochain), capable de passer pour ainsi dire sans transition d’une série noire traditionnelle à un film à la limite de l’expérimentation tout en gagnant la confiance d’acteurs parmi les plus réputés, ce qui lui permet d’aligner des castings impressionnants  --  et c’est encore une fois le cas avec ce film d’aventures certes sans surprise mais que sauve grandement un brio tout à fait exceptionnel.

14 juillet 2012

Un super-héros en très petite forme.


The Amazing Spider-Man, de Marc Webb (2012).

            Le filon des aventures de super-héros s’étant révélé jusqu’ici particulièrement juteux (mais pour combien de temps encore ?), les producteurs ne savent plus où donner de la tête, allant jusqu’à en enrôler une (presque) demi-douzaine pour sauver le monde (voir le récent et décevant Avengers ) ou à décider de revenir aux origines, comme ici. Ainsi, à peine dix ans après le premier épisode de la saga (Spider-Man, Sam Raimi, 2002), nous en propose-t-on aujourd’hui une sorte de vrai faux remake passablement réchauffé.

10 juillet 2012

Un génie prudhommesque.


Holy Motors, de Leos Carax (2012).

            Vient un moment dans Cosmopolis (le film de David Cronenberg aussi bien que le roman de Don DeLillo) où Eric Packer s’interroge sur ce qu’il advient de sa somptueuse limousine une fois son service quotidien achevé. A cette question, Leos Carax répond aux dernières images de Holy Motors en faisant philosopher un régiment de limousines garées pour la nuit dans un gigantesque parking  --  rare moment divertissant (encore que très platement filmé en un seul long plan fixe) d’un film qui n’aura été finalement qu’un interminable pensum prétentieux et boursoufflé, mais curieusement soutenu par une critique quasiment unanime dans l’enthousiasme. Ou je ne comprends plus rien au cinéma (ce qui est après tout possible), ou se manifeste ici un phénomène d’aveuglement collectif dont il peut être intéressant d’essayer de comprendre au passage le fonctionnement.

9 juillet 2012

Une plongée dans l'imaginaire poétique américain.


Summertime (The Dynamiter), de Matthew Gordon (2011).

Avec le cinéma indépendant américain, on n’est jamais à l’abri de très bonnes surprises  --  même si le seul label de « cinéma indépendant », tout comme celui de « cinéma d’auteur » d’ailleurs, ne nous évite pas pour autant de très mauvaises surprises, bien au contraire. Cette fois cependant, avec ce Summertime, premier film de fiction d’un jeune réalisateur qui a semble-t-il fait ses classes dans le reportage et le documentaire, c’est bien d’une belle et bonne réussite qu’il s’agit, aussi modeste dans ses moyens qu’ambitieux dans ses intentions et abouti dans sa réalisation.

5 juillet 2012

Cartes postales romaines.


To Rome with Love, de Woody Allen (2012).

           Au petit jeu de la quantité, qu’il dit préférer à la qualité, Woody Allen perd plus souvent qu’à son tour et oblige ses commentateurs à se répéter. Aussi dois-je redire ici, après l’avoir déjà dit à propos du documentaire hagiographique que vient de lui consacrer Robert B. Weide (Woody Allen : A Documentary), que ce cinéaste qui fut plus qu’estimable accumule depuis bien des années maintenant des productions d’une qualité pour le moins irrégulière, semblant vouloir profiter à l’excès d’une confortable rente de situation en espérant découvrir un jour ou l’autre une pépite du calibre de Annie Hall (1977) ou de Manhattan (1979). Mais les années passent et pour Woody Allen (soixante-dix-sept ans en décembre prochain) l’espoir de réaliser un nouveau grand film paraît s’éloigner de jour en jour et l’on doit se contenter le plus souvent de divertissements sans grand intérêt   --  à l’image de To Rome with Love, son quarante-et-unième film tout de même.