16 mai 2012

Troisème âge et lieux communs.


Indian Palace (The Best Exotic Marigold Hotel), de John Madden (2011).

            Les « vieux », pudiquement rebaptisés « seniors », font recette, c’est entendu. Ne les présente-t-on pas toujours comme d’heureux oisifs débordés (il n’y a d’oxymore qu’en apparence) à fort pouvoir d’achat ? Indian Palace, qui adapte un roman de Deborah Moggach[1], prend le contrepied de ce cliché en s’intéressant à une demi-douzaine de citoyens britanniques, certains désargentés, qui décident de prendre leur retraite en Inde, dans un hôtel présenté sur internet comme un palace réservé au troisième âge. Quatre le font pour des raisons financières (ils n’ont pas même de quoi s’acheter un billet de retour), le cinquième pour retrouver un grand amour de jeunesse et la dernière, odieusement raciste (géniale Maggie Smith), pour se faire opérer de la hanche plus rapidement et à meilleur prix qu’en Angleterre (sic). On imagine facilement la suite : l’hôtel, affreusement décrépi, ne correspond guère à leur attente mais, de la découverte d’abord réticente puis enthousiaste d’une culture différente à l’émergence d’amours tardives, tout finira bien  --  ou, comme le dit assez drôlement un des personnages : « Si tout n’est pas bien c’est que ça n’est pas encore fini ! »


            Rien de très original en somme, et si le film aborde quelques questions aussi intéressantes que variées (la peur du vieillissement et de la solitude, la rencontre avec une civilisation radicalement autre, les séquelles du colonialisme anglais, le choc des traditions et de la modernité, et j’en passe), il les élude toutes soigneusement, histoire de ne fâcher personne. Cinéaste jusqu’ici fort peu intéressant, connu essentiellement pour un Shakespeare in Love (1998) qui valait surtout pour son scénario coécrit par l’excellent dramaturge Tom Stoppard, John Madden joue un peu trop ostensiblement de la couleur locale et ne renonce à aucun cliché dans sa peinture d’un pays suffisamment exotique pour favoriser un festival de lieux communs.

            Mais aussi, par la grâce d’un scénariste parfois bien inspiré et de dialogues qui font mouche, il parvient à mêler humour et gravité, esprit grinçant et émotion un peu facile. On ne cherchera cependant aucune originalité dans une mise en scène parfaitement standardisée et fonctionnelle, « moderne » ici et là pour être dans l’air du temps, académique le plus souvent. C’est bien plutôt du côté des acteurs qu’il faut aller trouver son bonheur. Tous sont excellents et sauvent l’entreprise, avec une mention toute particulière pour Maggie Smith, toujours époustouflante, même en fauteuil roulant. C’est pour eux tous (Judi Dench, Bill Nighy, Tom Wilkinson et quelques autre moins connus de ce côté-ci de la Manche) et pour eux seuls que le film mérite d’être vu.



[1] Disponible dans la collection « Livre de poche » sous le titre de Ces petites choses.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Juste par curiosité, qu’est-ce qui fait une « mise en scène moderne » ?

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    1. Réponse rapide: c'est une mise en scène (si l'on peut dire) qui n'est "moderne" qu'entre guillemets (je la qualifierais plutôt de racoleuse, sans guillemets) et qui use et abuse d'effets (longues focales, absences de profondeurs de champ, caméra à la main, mouvements d'appareil arbitraires, montage court et/ou ultra rapide, etc) que rien ne justifie sinon la seule volonté de faire "moderne" ou "jeune" ou "branché", comme vous voudrez, dans une tendance très "clip". Figures de mise en scène qui n'ont rien de condamnables en soi, je l'ai déjà dit (avec l'exemple de certaines séquences de "Barry Lindon"), sauf quand elles tombent comme les cheveux sur la soupe ou, comme ici, pour rendre "moderne" une mise en scène plutôt vieillotte. Mais la question mériterait sans doute de plus grands développements.

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