27 septembre 2013

Kurosawa, entre virtuosité et humanisme.



Réédition de Rashômon, de Akira Kurosawa (1950).

            A ceux qu’agacerait mon insistance à parler en toute occasion de mise en scène au sens le plus classique du terme, je ne saurais trop conseiller d’aller voir (ou revoir) le Rashômon de Kurosawa qui vient tout juste d’être réédité. On me rétorquera, non sans raison, que je ne prends guère de risques avec Kurosawa, pas plus que je n’en prendrais, dans de tous autres registres formels, avec Mizoguchi ou Ozu ; et j’en prends d’autant moins que Kurosawa est sans doute le plus « occidental » des cinéastes nippons, tant sur le fond, quand il adapte plus ou moins directement Shakespeare, Dostoievski ou Gorki, voire des romans noirs, de Hammett (« La Moisson rouge » a largement inspiré Yojimbo/Le Garde du corps, 1961) à Ed McBain (pour Entre le ciel et l’enfer, 1963), que sur la forme, avec notamment un montage extrêmement dynamique  --  et jusqu’à une curieuse utilisation du « Boléro » de Ravel. Il est frappant de voir la profonde influence qu’il a exercée en retour sur nombre de cinéastes occidentaux, et s’il est de notoriété publique que Star Wars et ses suites portent son empreinte[1] (au-delà même de la silhouette de Dark Vador), à revoir Rashômon, on comprend tout ce qu’un Sergio Leone lui doit  --  et pas seulement le sujet de Yojimbo (que démarque Pour une poignée de dollars), lui-même reprenant il est vrai le canevas de « La Moisson rouge », mais aussi son goût pour des cadres soigneusement composés et jouant habilement sur l’utilisation de l’espace, le placement des acteurs et la profondeur de champ.

7 septembre 2013

Une éblouissante réhabilitation.



Réédition de Ryan’s Daughter (La Fille de Ryan), de David Lean (1970).

Le cinéma britannique n’a jamais eu très bonne presse de ce côté-ci de la Manche, en dépit des efforts méritoires d’une poignée de passionnés  --  Raymond Lefèvre et Roland Lacourbe publiant en 1976 leur « Trente ans de cinéma britannique », Bertrand Tavernier défendant avec la fougue qu’on lui connaît l’œuvre de Michael Powell[1] ou le cinéma des Ealing Studios. La faute à Truffaut peut-être, jamais à court de propos aussi fielleux que définitifs, qui n’hésitait pas à écrire dans les années 50 : « Dire que le cinéma anglais est mort serait excessif puisque aussi bien il n’a pratiquement jamais existé. Le film anglais actuel est incolore, inodore et sans saveur particulière… »[2]. Mais, soyons juste, il n’y avait pas que lui pour mépriser alors le cinéma britannique, et aujourd’hui encore une large partie de la critique ne juge sa production (trop souvent envisagée comme une annexe du cinéma américain[3]) qu’avec une condescendance légèrement arrogante qu’il ne mérite assurément pas. Rares sont donc, dans ce contexte, les rééditions  --  sinon quelques œuvres du free cinema et de sa mouvance (mieux accueillies peut-être du fait de leur proximité avec la Nouvelle Vague française) comme les premiers films de John Schlesinger ou, récemment, la trilogie de Bill Douglas. Mais pour le reste, c’est le désert ou presque, alors même que l’on a affaire à un véritable continent cinématographique d’une très grande richesse. Aussi, ces dernières années, les reprises peuvent-elles se compter sur les doigts d’une seule main : le délicieux Million Pound Note (L’Homme au million, Ronald Neame, 1954) il y a presque deux ans, The Victim (La Victime, Basil Dearden, 1961) il y a plus longtemps encore, et aujourd’hui Ryan’s Daughter de David Lean, je ne dois pas en oublier beaucoup.

24 août 2013

Une certaine idée du cinéma français.



            Il y a maintenant plus de cinquante ans que ceux que l’on a appelé les « jeunes turcs » de la Nouvelle Vague, d’abord comme critiques, essentiellement dans les Cahiers du Cinéma et pour quelques uns d’entre eux (Truffaut notamment) dans l’hebdomadaire culturel Arts, puis comme cinéastes, décrétèrent qu’il existait deux sortes de cinéma français, l’un ancien, académique, obsolète, péjorativement baptisé « cinéma de la qualité française », l’autre jeune, novateur, libre, rejetant les recettes anciennes (ainsi les vieilles ficelles de l’adaptation littéraire[1]) et qu’ils prétendaient incarner. Cette dichotomie absurde, qui a plus nui au cinéma français qu’elle ne lui a rapporté (sauf pour Truffaut et ses amis qui ont atteint le but qu’ils s’étaient fixés : prendre la place des anciens et faire carrière à leur tour), cette dichotomie donc perdure encore aujourd’hui au sein d’un cinéma français qui se veut l’héritier de la Nouvelle Vague et que soutient contre vents et marées une certaine frange de la critique. Critique qui prétend régner en maître des colonnes des Cahiers du Cinéma (vieille histoire d’héritage) à celles du Monde en passant par Libération, Les Inrockuptibles, France Culture ou le site Slate (avec le blog de Jean-Michel Frodon, ancien rédacteur en chef des Cahiers) ; critique pour qui l’histoire du cinéma français commence et s’achève avec cette Nouvelle Vague devenue semble-t-il l’alpha et l’omega de toute création cinématographique ; critique enfin qui a ses dieux et ses prophètes, ses génies généralement maudits (Leos Carax figure en bonne place dans ce curieux Panthéon) et ses penseurs dont on ne saurait faire l’économie  --  Serge Daney étant la référence quasi obligatoire et une pincée de Douchet, Deleuze et/ou Barthes ne pouvant qu’enrichir le tableau.

5 juillet 2013

Une bonne surprise et une belle réussite.



The Bay, de Barry Levinson (2013).

            Il y a des films que l’on n’attend pas, que l’on pourrait même négliger par inadvertance  --  et The Bay est assurément l’un d’eux. A soixante-dix ans passés (il est né en 1942), après une carrière de scénariste, producteur et metteur en scène riche et abondante, largement récompensée sinon toujours convaincante, on pouvait légitimement penser Barry Levinson revenu de tout, plus attentif à suivre la carrière de son fils Sam (Another Happy Day , 2011) qu’à tenter l’aventure d’un film novateur (pour lui), incisif et mené hors des entiers battus. C’est pourtant ce qu’il fait ici avec une production bien plus qu’intéressante et rien moins que routinière  --  sans doute, dans sa simplicité et sa modestie apparentes, un de ses meilleurs films.

20 juin 2013

Tintin au Brésil.



Réédition de L’Homme de Rio, de Philippe de Broca (1963).

            Curieuse destinée que celle de Philippe de Broca (né en 1933, la même année que Belmondo et un an après François Truffaut, et disparu en 2004), cinéaste un peu oublié aujourd’hui après avoir été longtemps méprisé par la critique  --  et que de récentes sorties en DVD blu-ray (Le Magnifique, Les Tribulations d’un Chinois en Chine et … L’Homme de Rio justement)  semblent vouloir timidement réhabiliter. Formé par l’école de la rue de Vaugirard sans être passé par la case cinéphilique des Cahiers du Cinéma et de ses annexes, il s’est d’abord frotté à quelques vieux briscards dénués de génie mais pas de savoir-faire (Georges Lacombe notamment, sur Cargaison blanche, 1957[1]) avant d’assister François Truffaut et surtout Claude Chabrol qui produira en 1960 ses deux premiers longs métrages, Le Farceur et Les Jeux de l’Amour.

8 juin 2013

Une séparation et ce qui s'ensuit.



Le Passé, de Asghar Farahdi (2013).

            Après le succès critique et public plutôt inattendu de son précédent film (Une Séparation, 2010), le cinéaste iranien Asghar Farhadi revient avec un nouvel opus où il poursuit dans la voie qu’il fraie pour ainsi dire depuis ses débuts. Les relations interpersonnelles au sein d’une famille, le drame des séparations et les lentes et parfois pénibles reconstructions qui s’ensuivent, les difficultés pour communiquer et se comprendre dans des situations d’un antagonisme extrême  --  autant de thèmes qu’il reprend d’œuvre en œuvre avec obstination, module et fait évoluer. Cette fois cependant, il quitte son Iran natal pour se transporter en France  --  mais sans pour autant éclaircir une palette aux couleurs particulièrement sombres.

3 juin 2013

Un formalisme sans issue?



Only God Forgives, de Nicolas Winding Refn (2013).

            Partisan d’un cinéma radical et d’une violence souvent extrême, Nicolas Winding Refn a connu une sorte de consécration en recevant, à l’occasion du festival de Cannes 2011, pour son précédent film, Drive, non point la Palme d’or (qui échut à Terrence Malick) mais le Prix de la mise en scène  --  distinction d’autant plus justifiée que la forme importe souvent davantage pour lui que le fond. Only God Forgives, présenté à Cannes cette année mais passé plutôt inaperçu, s’inscrit dans une démarche formaliste plus proche du Guerrier silencieux (Valhalla Rising, 2009), fascinante expérience non verbale, que de Drive où un fil narratif relativement charpenté (il s’agissait de l’adaptation d’un roman de James Sallis[1])  compensait la tendance esthétisante, voire pictorialiste, du cinéaste.

27 mai 2013

Une grossière attraction pour parc de loisirs.


Gatsby le magnifique (The Great Gatsby), de Baz Luhrmann (2013).

            Que je sois honnête : ce n’est certes pas le nom de Baz Luhrmann qui m’a incité à aller voir ce Great Gatsby, présenté tout de même en ouverture du festival de Cannes (on croit rêver !), mais bien sûr le livre de Scott Fitzgerald, pas son meilleur peut-être (on peut lui préférer « Tendre est la nuit »), mais assurément un des grands romans américains de la première moitié du XXème siècle cependant, et un des plus mythiques. Aussi pouvait-on craindre le pire d’un cinéaste qui n’a guère brillé jusqu’ici, sinon par des débauches de choix esthétiques particulièrement clinquants  --  et le pire est bien arrivé et même, si l’on ne craignait de pratiquer l’hyperbole, le pire du pire.

24 mai 2013

Retour vers le passé.


Sous surveillance (The Company You Keep), de Robert Redford (2012).

            On aimerait dire sans la moindre réserve le plus grand bien de toutes les entreprises menées par Robert Redford, tant pour l’acteur dont la carrière demeure exceptionnelle que pour l’homme dont les engagements forcent le respect. On ne saurait à cet égard minorer l’importance du Sundance Institute et de ses satellites (dont le fameux festival) qui ont largement contribué depuis plusieurs décennies au développement du cinéma américain indépendant. On en est donc d’autant plus gêné de ne pas s’enthousiasmer pour l’œuvre de Redford devenu cinéaste dès 1980 avec Des gens comme les autres (Ordinary People, 1980), œuvre non point indigne ou scandaleuse mais qui n’est jamais parvenue à s’imposer vraiment  --  au point que son précédent film, La Conspiration (The Conspirator, 2010), a été très mal accueilli et n’a pas même connu en France d’exploitation commerciale[1]. Des titres, assez peu d’ailleurs, demeurent dans les mémoires (notamment Et au milieu coule une rivière/A River Runs Through It, 1992, et L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux/The Horse Whisperer, 1998), mais aucune cohérence d’ensemble qui permette d’affirmer, au-delà des contraintes du système hollywoodien, que l’on a affaire à un cinéaste d’envergure avec une vision du monde et le style qui l’accompagne. A cet égard, que cela plaise ou non sur un plan politique, on est à des années-lumière de l’œuvre d’un Clint Eastwood, comédien plus limité et moins attachant dans ses prises de positions idéologiques mais d’une toute autre pointure une fois passé derrière la caméra.

17 mai 2013

A la croisée des grands mythes américains.

Mud, de Jeff Nichols (2012).

            Ceux qui, fort peu nombreux, ont découvert naguère (janvier 2008) l’éblouissant coup d’essai de Jeff Nichols, Shotgun Stories (2007), dans des salles pour ainsi dire désertes, peuvent aujourd’hui constater avec satisfaction, après Take Shelter (2011) et plus encore Mud, que le jeune réalisateur (il est né en 1978) se place désormais sans l’ombre d’un doute dans le peloton de tête de la nouvelle génération des cinéastes américains  --  et à l’une des toutes premières places.

13 mai 2013

Donner vie à une pensée abstraite.


Hannah Arendt, de Margarethe von Trotta (2012).

            D’abord actrice, Margarethe von Trotta (née en 1942) a participé à l’éclosion du jeune cinéma allemand des années 70, aux côtés de Rainer Maria Fassbinder notamment, mais aussi de son époux d’alors, Volker Schlöndorff (pour L’Honneur perdu de Katharina Blum/Die verlorene Ehre der Katharina Blum, en 1975, et Le Coup de grâce/Der Fangschuss, d’après Marguerite Yourcenar, l’année suivante). Elle est passée à la réalisation au milieu des années 70  --  et ses films les plus intéressants (Les Années de plomb/Die Bleierne Zeit, 1981, ou Rosa Luxemburg/Die Geduld der Rosa Luxemburg, 1985, avec déjà Barbara Sukowa, ou encore Les Années du mur/Das Versprechen, 1995) s’attachent à l’exploration des relations que l’Allemagne entretient avec son passé. Bien que consacré à une philosophe certes allemande d’origine mais naturalisée américaine dès 1951, Hannah Arendt s’inscrit aujourd’hui dans une même démarche, où le fond importe davantage que la forme.

2 mai 2013

Un jeu élégant mais vain.


The Grandmaster (Yi dai zong shi), de Wong Kar-Wai (2013).

            Habitué des festivals et choyé par la critique, Wong Kar-Wai me paraît être un des cinéastes contemporains les plus surestimés  --  jugement, comme il se doit, qui n’engage que moi. Ajouterai-je, histoire d’aggraver mon cas déjà désespéré et quitte à passer pour un iconoclaste irresponsable, que In the Mood for Love (2000) est à mes yeux un des films les plus surfaits de ces quarante ou cinquante dernières années ? C’est cependant avec un véritable et sincère intérêt que je suis allé découvrir The Grandmaster, plutôt curieux de voir ce que pouvait donner la rencontre du cinéaste avec ce que l’on appellera, faute d’un terme plus précis, le film de kung fu. Et le résultat, curieusement hybride, n’est pas pleinement satisfaisant, même s’il n’est pas toujours désagréable.

25 avril 2013

"Vingt-quatre heures de la vie d'une femme".


Le Temps de l’aventure, de Jérôme Bonnell (2013).

            On pouvait craindre (et la bande annonce allait hélas dans ce sens) avec le dernier film de Jérôme Bonnell sinon le pire (le cinéaste a jusqu’ici fait preuve d’une tenue de bon aloi) du moins le récit très convenu d’une de ces  « brèves rencontres » impossible entre deux êtres que tout sépare, l’âge, l’éducation, l’origine géographique, les activités professionnelles, et qui pourtant vont vivre une rapide mais fulgurante passion amoureuse. Certes, Le Temps de l’aventure, c’est aussi cela, mais pas seulement, très loin de là, et Jérôme Bonnell s’attache tout autant, sinon plus, à l’analyse de la psychologie de ses personnages qu’aux seuls sentiments, pourtant très forts, qui les rapprochent. Il y a là quelque chose d’un Stefan Zweig, auteur dont on parle beaucoup ces temps-ci, explorateur exemplaire des angoisses de la psyché humaine confrontée à la confusion des sentiments. Ainsi, mutatis mutandis,  se trouve-t-on davantage du côté de « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme », la nouvelle de Zweig, que de Brève rencontre, le film de Lean.

20 avril 2013

Les derniers feux de la comédie musicale.


Réédition de Funny Face (Drôle de frimousse), de Stanley Donen (1957).

            Vu pour la dernière fois il y a plus de trente ans, à une époque où je m’intéressais de très près au travail de l’immense Fred Astaire, je gardais de Funny Face le souvenir d’un spectacle trop soigneusement élaboré pour être honnête, carrément plombé par de redoutables afféteries esthétisantes (le numéro « He Loves and She Loves » notamment, avec son herbe trop verte et ses trop blanches colombes) et d’où toute spontanéité paraissait absente, tant (me semblait-il alors) Donen mettait d’ostentation à se chercher des alibis culturels et intellectuels (ainsi de l’apport comme conseiller visuel du très sophistiqué photographe Richard Avedon) pour bien faire comprendre que lui, cinéaste intelligent et sérieux, ne se laissait pas prendre aux naïvetés d’un genre qu’il jugeait mineur et, pour tout dire, indigne de son talent.

15 avril 2013

Comédies "à l'anglaise"?


Quartet, de Dustin Hoffman (2012).
Mariage à l’anglaise (I Give it a Year), de Dan Mazer (2013).

            Difficile de donner aujourd’hui une définition de ce que l’on pourrait appeler une comédie « à l’anglaise », pour utiliser une expression plus proche de l’art culinaire que du cinéma, sinon dans une perspective purement historique avec un genre qui fit florès dans les années d’après-guerre avec quelques films à la « construction parfaite qui s’organise à partir d’une situation de départ absurde poussée dans ses prolongements les plus logiques »[1] et mêlant cocasserie, sérieux imperturbable, goût pour un décorum britishissime et humour plutôt tongue in cheek que franchement burlesque. Rappelons au passage quelques titres mémorables, disponibles pour la plupart en DVD, et qui fonctionnent encore admirablement : Passeport pour Pimlico (Passport to Pimlico, Henry Cornelius, 1949), le bien connu Noblesse oblige (Kind Hearts and Coronets, Robert Hamer, 1949) ou encore les très belles réussites d’Alexander Mackendrick, un bon cinéaste injustement oublié[2] : Whisky à gog (Whisky Galore, 1948), L’Homme au complet blanc (The Man in the White Suit, 1951) et Tueurs de dames (The Ladykillers, 1955[3]). Mais peut-on dire pour autant, après toutes les vicissitudes vécues par le cinéma d’outre-Manche, que la comédie « à l’anglaise » (il vaudrait mieux parler de « comédie britannique » d’ailleurs) existe encore de nos jours ? Oui, dans la mesure où de nombreuses productions (et Quartet en fait partie) jouent sur le charme légèrement suranné d’une british touch en grande partie nostalgique ; non, parce qu’elle tend depuis longtemps à se fondre dans un mélange de comédie de mœurs et de comédie romantique  --  c’est le cas de Mariage à l’anglaise.

10 avril 2013

Des vertus de l'humilité.


Effets secondaires (Side Effects), de Steven Soderbergh (2013).

            Steven Soderbergh, qui tourne beaucoup et à un rythme soutenu, n’est finalement jamais meilleur que lorsqu’il se consacre à de « petits » sujets (mais qui peuvent être de « grosses » productions : voir ainsi Ocean’s Eleven, 2001)  --  je veux dire par là des sujets relevant de ce cinéma de genre qui a fondé le grand cinéma américain classique plutôt , par exemple, que de la fresque historique à la façon de son interminable et catastrophique biographie de Guevara (Che, 2008). Ainsi, assez proche du récent Haywire (Piégée, 2011), Side Effects convainc bien davantage que le non  moins récent Contagion (2011 également), nettement plus ambitieux dans ses intentions mais d’une maladresse d’exécution qui ne pardonne pas  --  et alors même que l’un et l’autre sortent de la plume du même scénariste, Scott Z. Burns.

5 avril 2013

Un quartet au paradis.


Perfect Mothers, d’Anne Fontaine (2012).

            Un esprit peu charitable ou particulièrement inattentif, voire carrément somnolent, pourrait accuser Anne Fontaine de vouloir faire sortir la catégorie milf [1] de son habituel ghetto pornographique pour la hisser au niveau d’une production à l’érotisme chic et choc pour magazine sur papier glacé, et ici légèrement épicée de variations plus ou moins sulfureuses. Ce serait en fait bien mal voir tant le sujet de Perfect Mothers, qui adapte une nouvelle (ou un court roman) de Doris Lessing un peu méchamment intitulé « The Grandmothers »[2], se situe résolument sur un autre plan.

3 avril 2013

Quelque part au-delà des pins.


The Place beyond the Pines, de Derek Cianfrance (2012).

            N’ayant pas vu le précédent film de Derek Cianfrance, Blue Valentine (personne n’est parfait et je compte réparer sans tarder cette coupable négligence), un cinéaste dont j’ignorais donc tout, c’est sans a priori particulier que je suis allé voir son nouveau et troisième film[1] au titre quelque peu déroutant  --  aussi le choc n’en a-t-il été que plus fort tant il s’agit d’un exceptionnel coup de maître.

27 mars 2013

Un interminable pensum.


Cloud Atlas, de Tom Tykwer, Lana et Andy Wachowski (2013).

            Difficile, à l’instant d’aborder Cloud Atlas, le film, de ne pas évoquer, ne serait-ce qu’en quelques lignes, « Cloud Atlas », le roman de David Mitchell[1]  --  œuvre que l’on pouvait à bon droit (et l’auteur lui-même le tout premier) juger inadaptable au cinéma. Ce pavé de plus de six cents pages se compose de six histoires échelonnées dans le temps entre le milieu du XIXème siècle et un lointain avenir post-apocalyptique et organisées selon un schéma que l’on pourrait qualifier de pyramidal (A-B-C-D-E-F-E-D-C-B-A), la partie post-apocalyptique (F) formant le sommet de la pyramide en même temps que le pivot du récit et donc étant la seule à ne pas être coupée en deux. Chaque histoire est en apparence indépendante des autres, reliées seulement par des correspondances qui finissent par former une trame souterraine en forme de philosophie mystico-simplette du genre : nous, les humains, formons une chaîne ininterrompue dans le temps et l’espace, chacun trouvant sans cesse une réincarnation plus ou moins achevée. Tout cela écrit et composé de façon brillante et représentant une sorte de tour de force littéraire où chaque récit bénéficie d’un ton et d’un style différent. Un tour de force trahissant certes une plume habile mais qui, à l’arrivée, laisse le lecteur sur sa faim : tout ça pour ça et à quoi bon tant de talent (et de pages) pour un fond aussi creux ?

20 mars 2013

Un cinéaste dans l'impasse.


A la merveille (To the Wonder), de Terrence Malick (2012).

Cinéaste rare et précieux (six films seulement en quarante ans), Terrence Malick semble avec l’âge (il est né en 1943) vouloir accélérer son rythme de production (son précédent film, The Tree of Life, ne date que de 2011) tout en radicalisant son cinéma, le situant désormais à la limite du poème visuel et de la quête expérimentale. On en arrive ainsi avec son dernier opus, To the Wonder, à devoir aborder son art en renonçant aux habituels critères tout en s’interrogeant sur la pertinence de son évolution : acmé prodigieuse ou impasse provisoire, voire définitive ?